PARAGES

Roland Barthes

C’est une sorte de sonnerie, dessin de cloche très bref, unique et cristallin qui dit : je viens d’être touché par quelque chose. Voilà ce que ça veut dire, le haïku. 
Et d’un autre côté (qui est l’autre côté de la contradiction) : cet instant pur, c’est à dire sans compromission, qui semble ne se compromettre dans aucune congélation (c’est un instant absolument frais : comme si on mangeait la chose notée, sur l’arbre même, comme un animal qui broute l’herbe vivante de la sensation), donc, cet Instant semble dire aussi : je sonne tout de suite, dans l’instant, mais c’est pour que tu te souviennes, c’est un instant qui a vocation de Trésor. 
« La préparation du roman » Cours au collège de France 1988-79 1979-80)/ Le Seuil

Jardin d’automne

Nuée de papillons

au-dessus des asters
–
 leur si folle ivresse

Sous le figuier

la nuit est déjà tombée

son parfum exhale

Quelques noix dans l’herbe

quelques figues haut perchées

de mon jardin, l’offrande

Fin d’été (3)

Fin d’été (3)

Elle nous a surpris
cette explosion de poussière
au vol des perdrix

Juste un peu de jaune
dans la chevelure du saule
vent de fin d’été

Nuit d’été

Les bambous s’égouttent
sous le ciel semé d’étoiles
fraicheur retrouvée

Dans la nuit d’août
pas un chant, pas même un cri
seuls les arbres rêvent

Filant à mes pieds
l’ombre pâle au pas furtif
était-ce un renard ?

Fin d’été (2)

Fin d’été (2)

Sous la pluie d’orage
l’odeur de l’eau nous revient
comme un souvenir

Lendemain d’orage
les hortensias reverdissent
avec insolence

Fin d’été

Fin d’été

Sans passer le seuil
nous écriant tour à tour
Qu’il fait chaud dehors !

L’été fut si long
que j’ai fini par apprendre
à tuer les mouches